Une sociologue dans des équipes d’urbanistes… pour quelles missions ?
(lettre n°31 du CODRA)
Une enquête sociologique met en lumière les pratiques et les attentes des habitants quelle que soit la question. Par exemple, mes collaborations avec Codra ont concerné des sujets très variés ; j’illustrerai mon propos en évoquant quatre études sociologiques réalisées en partenariat.
Dans le cadre du PLH de la CABAB 1, j’ai réalisé des portraits d’habitants visant à illustrer qualitativement les données statistiques et à mettre en perspective l’analyse globale par des récits de trajectoires résidentielles personnelles.
Afin de mener une concertation élargie autour de la révision du PDU du Grand Nancy, un volet sociologique a été intégré à la mission pour associer les usagers. Cette mission n’a pas encore aboutie mais son apport sera considérable. Leur expérience des déplacements quotidiens s’avère forcément utile pour adapter les objectifs du PDU à leurs réalités d’usage.
J’ai également participé à une mission d’appui pour l’ANRU à Clermont-Ferrand sur le désenclavement du quartier de la Gauthière. Cette intervention visait à élargir le concept d’enclavement en réalisant une analyse sociale illustrant que l’enclavement est lié à une image fortement stigmatisée et à un manque de participation des habitants à la vie de leur quartier.
Enfin, dans le cadre d’une étude d’évaluation d’opérations d’aménagement récentes dans le tissu ancien de Nanterre, la mission sociologique consistait à mener des entretiens auprès des habitants afin de faire émerger les points de satisfaction et les problèmes éventuels dans ces programmes, mixant locatif social et accession à la propriété.
En quoi consiste concrètement une enquête sociologique ?
Il s’agit de recueillir la parole des habitants ou des usagers sur leurs représentations, leurs pratiques, leurs attentes et leurs projets. C’est intégrer « l’expertise d’usage » dans une analyse d’expert. En d’autres termes, c’est s’appuyer sur les premiers intéressés pour construire l’avenir.
On pourrait ainsi dire que la sociologie permet d’intégrer les données sociales dans les politiques urbaines ?
Effectivement, le sociologue sert d’interface entre la parole « profane » et la parole de l’expert. Il permet d’enrichir, de valider et de mettre en perspective les propos de l’expert urbain. Il permet d’élargir les points de vue, d’interroger les enjeux sociaux et de reconsidérer « l’invisible ».
Cela pose parfois des difficultés. L’objet de la sociologie est bien la « mise en lumière » (c’est en ce sens que l’on parle de déconstruction) des mécanismes sociaux qui contribuent à la production du monde social. Ainsi, la sociologie est nécessairement une science critique, qui souvent dérange. En tant que consultante en sociologie, je me dois de tirer profit des critiques identifiées lors de mes rencontres avec les habitants pour les traduire en conseils à destination des élus.
Quels sont les bénéfices que peuvent tirer les élus en intégrant une enquête sociologique dans leurs études urbaines ?
En tant que sociologue travaillant sur la ville, je suis amenée à m’interroger sur plusieurs problématiques : les pratiques et les usages de la ville, les images et les représentations sociales, les enjeux et les présupposés qui sous-tendent les politiques publiques, ainsi que la place et les interactions des différents acteurs en présence.