14 juin 2016
Notre invitée du mois : Bénédicte de Lataulade, sociologue indépendante, Présidente de l’ACAD
Notre invitée du mois est Bénédicte de Lataulade, sociologue indépendante, tout récemment élue Présidente de l’Association des Consultants en Aménagement et Développement des Territoires. L’ACAD, créée en 1998, à l’initiative d’un collectif de consultants (dont le CODRA) en réaction à certaines pratiques contraires à la déontologie des marchés publics, s’est ensuite élargie. La nouvelle présidente revient ici sur les évolutions auxquelles les professionnels des territoires doivent faire face, les menaces comme les leviers possibles.
Vous êtes la sixième Présidente de l’ACAD, première femme occupant cette fonction. Pouvez-vous nous présenter brièvement cette association ?
L’ACAD compte aujourd’hui 70 adhérents, en grande majorité des indépendants ou petites entreprises. Une vingtaine de métiers sont représentés : urbanistes, architectes, sociologues, paysagistes, communicants, juristes, programmistes… L’ensemble des adhérents est d’ailleurs recensé dans l’annuaire en ligne, à disposition de nos maîtres d’ouvrage pour trouver un professionnel.
La force de l’ACAD repose sur sa pluridisciplinarité : elle n’est pas centrée sur la représentation du métier d’urbaniste mais sur l’organisation des compétences au service des territoires. C’est un domaine en pleine évolution : les commandes se complexifient, elles font appel de plus en plus souvent à des équipes composées de multiples compétences qu’il faut rassembler et coordonner, tant du côté des consultants que du côté des maîtres d’ouvrage. Le réseau est donc plus que jamais une nécessité.
Quelle est votre ligne directrice pour les années à venir ?
La mobilisation d’une nouvelle équipe à la tête de l’ACAD intervient dans un contexte conjoncturel et structurel délicat qui invite à repenser les modes d’exercice de nos métiers. En effet, les territoires vivent des mutations complexes qui nécessitent des modes d’accompagnement renouvelés, pour intégrer la diversité des enjeux. Or, la tendance est à la contraction de la dépense publique, reposant la question du rôle de l’ingénierie privée au service des territoires. Comment et dans quelles conditions continuer à assurer la qualité de l’ingénierie auprès des territoires ? Cette question sous-tend le nouveau projet associatif, les membres de l’ACAD se saisissant finalement de cette crise pour chercher à innover ensemble. En effet, si le premier réflexe de nos adhérents est d’être préoccupé par la pression économique, il est indispensable de faire évoluer nos métiers, d’adapter nos pratiques aux besoins mouvants des territoires.
Quels sont les autres objectifs poursuivis par l’ACAD aujourd’hui ?
L’ACAD souhaite tout d’abord renforcer le dialogue avec les institutions de tutelle, notamment sur la fragilité de nos professions et statuts. Pour notre association, composée à 80% d’indépendants, il s’agit de donner de la lisibilité à la profession, de participer à sa reconnaissance et d’interpeller sur ses difficultés. Notons que nous devons aussi faire face à la concurrence déloyale d’opérateurs qui sont liés, par leur financement, aux pouvoirs publics. Au-delà, c’est la qualité du conseil apporté aux collectivités qui s’en trouve menacée. Nous venons d’envoyer un courrier inter-associatif – avec le CINOV SYPAA (Syndicat des Programmistes en Architecture et Aménagement), la FFP (Fédération Française du Paysage), la SFA (Société Française des Architectes) et la SFU (Société Française des Urbanistes)- à Emmanuelle Cosse lui demandant la saisine de la Commission Nationale du Débat Public pour réfléchir ensemble à l’avenir de nos professions.
Forts de leur connaissance des collectivités, les consultants ont aussi une expertise à mettre à profit, via l’ACAD, en étant force d’interpellation et de proposition auprès des pouvoirs publics, des associations d’élus et du milieu de la recherche et en participant aux débats nationaux. C’est ce que fait par exemple notre groupe « habitat privé », sorte de think tank mis en place depuis quelques années pour proposer des inflexions législatives. En filigrane, cette capacité d’expertise peut aussi bénéficier à la commande publique : l’ACAD peut aider à préciser celle-ci, à mieux en formuler les objectifs.
Enfin, nous avons à cœur de participer à la transmission de nos métiers. Que faut-il transmettre et comment ? Les formations en urbanisme et développement territorial sont de plus en plus nombreuses, mais quel avenir s’offre aux jeunes diplômés ? L’ACAD est membre du Conseil d’Administration d’une formation de l’Ecole d’Urbanisme et a contribué, récemment, à la création d’un dispositif d’apprentissage.
Très concrètement, nous poursuivons comme objectifs d’accroître le nombre d’adhérents, d’être plus présent dans les cercles institutionnels et politiques ainsi que de renforcer le lien avec les autres associations de professionnels de la ville et des territoires pour être à la fois plus convaincant et plus offensif.
Propos recueillis par Claire Philippe et Camille Kertudo.